LE CADRE EUROPÉEN COMMUN DE RÉFÉRENCE.
HISTORIQUE, CARACTÉRISTIQUES, ENJEUX
Lector univ. ILIE MINESCU
UNIVERSITATEA DE VEST TIMISOARA
1.1) De quoi s’agit-il?
Il s’agit d’un texte adopté par l’Union Européenne qui sert désormais de référence aux enseignants des différents pays européens pour déterminer des objectifs communs à atteindre en termes de compétences, de stratégies pour les atteindre et de grilles de référence communes pour l’évaluation des acquis en langues. C’est un outil qui permet d’harmoniser les techniques d’apprentissage et les objectifs à atteindre entre les pays européens.
Publié sous l’en-tête du Conseil de l’Europe, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) est un document qui définit les savoirs et savoir-faire à acquérir afin d’avoir un « comportement langagier efficace », c’est-à-dire de communiquer. Dans ce but, le CECRL fournit des descriptions détaillées d’objectifs et de contenus (descripteurs). Il définit également les niveaux de compétence orale et écrite qui permettent de mesurer les progrès de l’apprenant à chaque étape de l’apprentissage.
Elaboré grâce à une recherche scientifique et une large consultation, ce document est un instrument pratique permettant d’établir clairement les éléments communs à atteindre lors des étapes successives de l’apprentissage ; c’est aussi un instrument idéal pour la comparabilité internationale des résultats de l’évaluation parce que le Cadre européen commun de référence fournit une base pour la reconnaissance mutuelle des qualifications en langues, facilitant ainsi la mobilité éducative et professionnelle.
Il est de plus en plus utilisé pour la réforme des curricula nationaux et par des consortia internationaux pour la comparaison des certificats en langues.
Le CECR est très utile aux concepteurs de programmes, aux auteurs de manuels scolaires, aux examinateurs, aux enseignants et aux formateurs d'enseignants - enfin à tous ceux concernés par l'enseignement des langues et par l'évaluation des compétences en langues Il permet de définir, en connaissance de cause, les objectifs à atteindre lors de l'apprentissage et de l'enseignement d'une langue, et de choisir les moyens pour y parvenir.
Pour un résumé du contenu de chaque chapitre du CECR v. les annexes 1 et 2.
1.2) Besoin et historique de l’apparition du CECRL
A l’heure où l’Europe gomme ses frontières, l’homme vit dans une société de plus en plus cosmopolite. Il est souvent forcé, dans son travail ou ses loisirs, à communiquer dans d’autres langues que sa langue maternelle. Les échanges commerciaux et les accords passés entre les états étant de plus en plus importants, il utilise plus souvent, au travail, une langue « internationale » qui n’est ni la sienne, ni celle de son interlocuteur. Mais amené à voyager pour affaires, il se doit de connaître quelque peu la langue et la culture des personnes qu’il rencontre. La communication devient donc aujourd’hui un enjeu de taille dans notre société et l’homme doit y être préparé.
L’un des objectifs du Conseil de l’Europe est d’améliorer la communication entre les personnes venant de différents pays d’Europe, car elle « facilite la mobilité et les échanges », « favorise la compréhension réciproque et renforce la coopération ». Un outil qui aide à mettre en place une politique linguistique éducative commune et qui en donne plus de transparence et de lisibilité à l’échelle européenne était alors nécessaire. Il a vu le jour en 2000 et son influence grandit chaque année au sein des politiques nationales : il s’agit du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR)
Le Conseil de l'Europe porte depuis très longtemps un intérêt tout particulier à la question des langues. Dès 1954 avec le texte fondateur de la Convention culturelle européenne, le Conseil de l'Europe suggère de promouvoir l'étude des langues et annonce déjà les premiers échanges d'étudiants entre universités.
Certains instruments réalisés au sein du Conseil de l'Europe ont joué un rôle décisif dans les enseignements des langues dites « étrangères », dans la mesure où ils ont contribué à introduire des innovations méthodologiques pour la conception des programmes d’enseignement. Ils ont notamment permis de développer une approche communicative de ces enseignements, potentiellement plus apte à favoriser une appropriation opérationnelle des langues non connues et donc à faciliter « la libre circulation des personnes et des idées ». Dans cette perspective, vers le milieu des années soixante-dix, des spécialistes ont élaboré un modèle opérationnel de ce que certains groupes d’apprenants (touristes, hommes d’affaires, migrants...) doivent être capable de faire lorsqu'ils se servent d'une langue pour communiquer de manière indépendante dans un pays où cette langue sert de véhicule de communication pour la vie de tous les jours. Ils ont ainsi défini, par cette identification des besoins langagiers de ces groupes, les savoirs et les savoir-faire nécessaires pour parvenir à ce « seuil » de communication.
La première spécification de ce « niveau seuil » a été élaborée pour l'anglais (Threshold Level, 1975), et elle a été suivie de peu par celle pour le français (Un Niveau Seuil, 1976). Le niveau-seuil de compétence linguistique est conçu comme « l'énoncé des connaissances et aptitudes qu'un apprenant doit acquérir pour pouvoir s'affirmer de manière simple mais efficace en tant qu'individu dans un environnement étranger, en ne se contentant pas de "survivre", par exemple, en accomplissant les formalités liées à un voyage, mais en s'efforçant de communiquer à ceux qu'il rencontre en voyant en eux, non pas seulement des "guides" des "commerçants" ou des "fonctionnaires", mais aussi des êtres humains dont il arrive à comprendre, apprécier - voire partager - les préoccupations et le mode de vie. »
La démarche consiste à déterminer ce que les individus ou les groupes considérés devront être capables de faire, langagièrement, dans les situations auxquelles ils seront participants. Cette capacité est spécifiée en termes de catégories notionnelles (notions générales et notions spécifiques) et fonctionnelles (actes de parole). Ces catégories translinguistiques sont ensuite, pour la langue considérée, actualisées par des formes linguistiques courantes. A la différence d’outils antérieurs comme le français fondamental, les niveaux-seuils ne résultent pas d’enquêtes linguistiques, mais ils répondent à un modèle commun qui autorise des comparaisons de langue à langue.
Ces deux instruments ont servi de facto de modèle aux instruments de référence du même type élaborés ultérieurement pour d’autres langues, mais ils ont été adaptés pour chacune en fonction de leurs caractéristiques propres. Ces niveaux seuil ont aussi progressivement évolué en tirant profit de l'expérience accumulée. Ces instruments de référence ont joué et jouent encore un grand rôle dans l'enseignement des langues où ils servent souvent encore de base à l'élaboration de nouveaux programmes nationaux. Ils favorisent la réalisation de manuels plus motivants et rendent possible la mise au point de systèmes d'évaluation plus réalistes et plus transparents qu’auparavant.
Quant au Cadre européen commun de référence, celui-ci a été élaboré de 1993 à 1996, par un groupe de travail international du Conseil de l’Europe, suite à la recommandation faite par le Symposium intergouvernemental « Transparence et cohérence dans l’apprentissage des langues en Europe » accueilli par la Suisse et coordonné par les Eurocentres, qui a eu lieu à Ruschlikon, près de Zurich, en novembre 1991. Le Symposium avait eu pour objectif premier d’étudier la possibilité de mettre en relation entre eux les programmes et les examens de langue en Europe par le biais d’une sorte de cadre de référence commun. De nombreux diplômes scolaires décernés pour l’apprentissage des langues contiennent des énoncés tels que : « a suivi un cours d’anglais au niveau intermédiaire » ou « a participé avec succès à un cours de français fondamental » tandis que d’autres attribuent un « niveau C » ou « 4,5 » ou « Sehr gut ». Les certificats avaient tendance à suivre des modèles similaires. Il est très difficile de comparer des résultats de ce type, parce que ce qu’ils décrivent n’est pas vraiment transparent : il faut connaître le cours ou l’examen en question pour que le résultat ait un sens. Or un individu, comme une institution ne saurait être familier qu’avec un nombre limité de programmes ou d’examens d’où le manque de cohérence en ce qui concerne l’organisation de l’apprentissage des langues vivantes et la publication des résultats obtenus.
Le Symposium a débouché principalement sur la recommandation que soit élaboré un Cadre européen commun de référence pour faciliter la définition d’objectifs d’apprentissage des langues.
Le texte a été produit par un groupe de travail composé de John Trim (Chef de projet), Daniel Coste (CREDIF), Brian North (Eurocentres) et Joe Sheils (Secrétariat du Conseil de l’Europe). Après expérimentation, le CECR a été publié en anglais en 2001 par les Presses Universitaires de Cambridge (Cambridge University Press) et en français par Didier ; il est actuellement disponible en une vingtaine de langues. Au cours des dernières années, il a été de plus en plus largement adopté par les systèmes scolaires et l’enseignement aux adultes, les éditeurs et les centres d’examens.
Le CECR a donc été rédigé avec deux objectifs principaux :
- Encourager les professionnels du domaine des langues vivantes à réfléchir sur leur pratique actuelle, notamment dans son rapport avec les besoins concrets d’apprentissage en langue des apprenants, la définition d’objectifs adéquats et le suivi des progrès de l’apprenant dans son apprentissage.
- Rendre plus facile aux praticiens l’information mutuelle, ainsi que celle de leur clientèle sur ce qu’ils veulent aider les apprenants à acquérir et comment ils essaient de le faire.
Le CECR espérait parvenir à mettre en place un métalangage commun qui traverse les secteurs éducatifs, les frontières nationales et linguistiques et que l’on puisse utiliser pour parler d’objectifs et de niveaux de langue. A terme, on espérait que l’existence d’un cadre de référence commun de ce type aiderait à relier les cours et les examens et à parvenir ainsi « à la transparence et à la cohérence » qui avait fait l’obet du Symposium de Ruschlikon.
Le symposium de Ruschlikon recommandait également que soit conçu un instrument intitulé le Portfolio européen des langues, permettant aux apprenants de rendre compte, d’autoévaluer et de témoigner de leur compétence plurilingue par rapport au CECR. Depuis 1997, des douzaines de versions de Portfolios ont été produites pour des pays et des secteurs éducatifs différents.
Conseil de l’Europe, Un cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Strasbourg, 2000, p. 9
Articole asemanatoare mai vechi:
|