LES ARTICULATEURS DU DISCOURS
Lector univ. Ilie Minescu
Universitatea de Vest din Timisoara
La langue française est pleine de mots et de locutions qui, utilisés adéquatement, permettent d’exprimer les idées et les émotions avec clarté, précision, subtilité. Cependant, aussi remarquable soient-elles, les idées ne peuvent être porteuses de sens que si elles sont correctement liées ou enchaînées et regroupées dans un ensemble textuel cohérent et bien organisé. Il y a plusieurs éléments qui peuvent contribuer à la cohérence et à l’organisation des textes. On pourrait mentionner: le respect de structure textuelle (narrative, descriptive, explicative ou argumentative), les titres et les intertitres, la division en paragraphes, les modes de substitution, les marqueurs de relation, les organisateurs textuels. Ces éléments assurent la cohérence du texte en permettant l’enchaînement linéaire des éléments référentiels nécessaires à son interprétation: la progression thématique organise la succession des phrases, l’anaphore permet de constituer des chaînes d’expressions référentielles, qui donnent au texte ses fils conducteurs. Dans l’enchaînement linéaire du texte, les connecteurs sont des éléments de liaison entre des propositions ou des ensembles des propositions; ils contribuent à la structuration du texte en marquant des relations sémantico-logiques entre les propositions ou entre les séquences qui le composent. Pour rapprocher ou séparer les unités successives d’un texte, les connecteurs jouent un rôle complémentaire par rapport aux signes de ponctuation.
Pour pouvoir parler du rôle de l’articulateur logique et bien de ses fonctions, on doit en donner une définition de ce terme; cela serait une définition déjà donnée par Janeta Drãghicescu qui énonce que «la notion d’articulation logique, tout en se rattachant à la logique par sa nature même, s’applique à divers mécanismes/ opérations d’enchaînement des unités ou de suites des unités linguistiques qui contractent des rapports logiques dans les limites d’un raisonnement ou d’une argumentation donnés. Les éléments qui réalisent ces opérations d’enchaînement portent le nom d’articulateurs logiques ou connecteurs». 1
Les articulateurs sont aussi appelés connecteurs, mots de liaison, marqueurs de relation, expressions charnières, ou bien encore mots-outils. On peut dire que leur but, tout comme celui des locutions, est de relier les propositions, les phrases ou les paragraphes d’un texte. Ils servent à situer les événements, les personnages et les objets dans le temps et dans l’espace et jouent un rôle clé dans la cohérence et la progression du texte.
L’ensemble des connecteurs comprend différentes classes de mots invariables: adverbes, conjonctions de coordination, conjonction de subordination.
· Les adverbes ou locutions adverbiales peuvent être supprimés ou déplacés: alors, après, ensuite, enfin, d’abord, tout à coup, premièrement, c’est pourquoi, ainsi, par ailleurs, d’ailleurs, de plus, soudain, enfin de compte, par conséquent, …
· Les conjonctions de coordination peuvent être supprimées mais pas déplacés: et, mais, or, ou, ni, donc, car… Elles relient deux groupes de même nature, deux propositions, deux phrases ou même les deux parties d’un texte.
· Les conjonctions de subordination sont considérées comme des connecteurs internes à la phrase: quand, pendant que, lorsque, avant que, après que, en même temps que …
A ces trois classes de connecteurs invariables, il faut ajouter les groupes nominaux compléments circonstanciels. Placés en début de phrase, ils la situent logiquement et chronologiquement dans la progression du texte et jouent donc le rôle de véritables connecteurs: trois jours auparavant, pendant ce temps.
Que ce soit au niveau de la phrase simple, de la phrase complexe ou l’enchaînement des paragraphes dans le texte, ils établissent entre les éléments reliés une relation logique et une nuance de sens précise (opposition, cause, conséquence, temps, condition, comparaison, but, …).
Dans la Grammaire méthodique du français pour classifier les connecteurs, les auteurs nous proposent deux listes, une « liste restreinte » et une « liste ouverte ».
Au sens restreint, les connecteurs sont les termes qui assurent la liaison à l’intérieur d’une phrase complexe: les conjonctions de coordination et de subordination. On s’intéresse surtout aux micro-enchaînements syntaxiques qu’ils assurent et aux relations sémantiques qu’ils expriment, notamment les relations de cause-conséquence (car, donc, parce que, de sorte que,…) et d’opposition-concession (mais, bien que,…).
Au sens large, les connecteurs sont tous les termes qui assurent l’organisation d’un texte: les conjonctions certes, mais aussi les adverbes (alors, puis, ensuite), des groupes prépositionnels (d’une part, d’autre part, en tout cas, en fin de compte), des présentatifs (c’est, voilà), des locutions (c'est-à-dire, autrement dit..), etc. On rattache même au connecteurs certains procédés anaphoriques, comme l’emploi d’adjectifs numéraux (le premier, le deuxième, le troisième,…), ou des expressions spatiales comme: en bas, en haut, à gauche, à droite.
Lorsqu’il s’agit des connecteurs, on entend très souvent le nom de marqueur de relation. Le marqueur de relation est un mot ou un group de mots dont la fonction dans le discours est d’établir des relations logiques, spatiales, ou temporelles entre les phrases. Les marqueurs de relation en exprimant des liens de sens qu’entretiennent entre elles des idées, assurent la cohérence du texte et jouent, de ce fait, un rôle sémantique important.
De plus, lorsqu’ils structurent l’information en marquant les transitions entre les parties d’un texte, les marqueurs de relation occupent, à l’instar de certains autres mots, groupes de mots ou phrases, la fonction d’organisateurs textuels.
En précisant les relations qui existent entre les différentes énoncés d’un texte, les marqueurs permettent au lecteur de traiter l’information reçue avec justesse et de faire les inférences nécessaires à une bonne compréhension de ces énoncés.
Bibliographie
Grevisse Maurice, Le bon usage, Paris, Duculot, 1988
Maingueneau Dominique, Genèse du discours, Bruxelles, Galerie des princes, 1984.
Maingueneau Dominique, Nouvelles tendances en analyse du discours, Paris, Hachette, 1987.
Reboul Anne, Moescheler Jacques, Pragmatique du discours, Paris, Armand Colin, 1998
Riegel Martin, Pellat Jean-Christophe, Rioul René, Grammaire méthodique du français, Paris, P.U.F., 1994
Sarfati Georges-Elia, Eléments d’analyse du discours, Paris, Nathan 1997
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